Délais contraints, intervention de la Direccte dans la
procédure… La loi sur la sécurisation de l’emploi du 20 juin 2013 a, on le sait,
entièrement re-brassé les cartes, notamment en matière de restructurations avec
plan de sauvegarde de l’emploi. Un peu plus d’un an après sa mise en œuvre,
Secafi fait un bilan d’étape à travers les nombreuses missions réalisées dans ce
nouveau cadre juridique. Premier enseignement : les représentants du personnel
commencent à prendre leurs repères. « Les nouvelles règles du jeu ont un premier
impact important sur la tactique adoptée par les élus et les organisations
syndicales, observe Olivier Guillou, Directeur associé chez Secafi. Le réflexe
d’essayer de peser sur les délais pour trouver des marges de manœuvre dans la
négociation n’est plus opérant, puisque, à l’issue des délais fixés par la loi,
l’avis est réputé rendu même s’il n’a pas été donné. Désormais, il faut mettre
rapidement les sujets de fond sur la table. » La loi prévoit des délais qui
s’allongent suivant le nombre de licenciements : deux mois en-dessous de 100
licenciements, trois mois jusqu’à 250 licenciements, et quatre mois au-delà.
Pour les étirer, on ne peut donc plus se prévaloir d’une information
insuffisante, mais il reste tout de même possible de les améliorer par un accord
en amont entre les parties. Ainsi, sur les missions réalisées par Secafi depuis
le début 2014, plus de la moitié d’entre elles se sont faites dans des délais
desserrés par rapport au cadre légal.
L’arrivée d’un nouveau tiers au cœur de
la procédure, la Direccte, est un autre élément structurant à prendre en compte.
Suivant le cas, elle valide l’accord majoritaire signé par les organisations
représentatives ou elle homologue le document unilatéral de la direction – quand
l’entreprise a choisi de ne pas recourir à un accord ou en cas d’échec de la
négociation dudit accord. Alors qu’elle ne réalise qu’un contrôle restreint dans
le premier cas, elle procède dans le second à un contrôle beaucoup plus
approfondi, pour s’assurer que les mesures mises en œuvre sont bien
proportionnelles aux moyens du groupe. Et tout au long de la procédure, elle
peut faire des observations ou des injonctions.
« Indubitablement, c’est une carte à jouer pour les
organisations syndicales : convaincre l’employeur de son intérêt à recourir à un
accord majoritaire plutôt que prendre un risque en choisissant de passer par un
document unilatéral, explique Olivier Guillou. En outre, en cas d’accord
majoritaire, on observe de meilleures négociations des indemnités de départ et
des mesures sociales de plus grande qualité. » Pour le consultant, les
entreprises ont d’ailleurs déjà pris la mesure du risque encouru en cas de
document unilatéral : la proportion du nombre d’accords majoritaires ne cesse de
croître depuis le début de l’année. De façon pragmatique, même les organisations
non signataires de l’ANI au niveau national jouent le jeu en local et signent
les accords majoritaires quand ils sont mieux-disant. Chez Secafi, 80% des
procédures engagées par la voie d’un accord se terminent effectivement sur la
signature d’un accord, contre 60% au niveau national. Mais, observe Olivier
Guillou, la focalisation des partenaires sociaux sur l’accord social peut aussi
occulter le débat sur des alternatives économiques moins pénalisantes pour
l’emploi. La vigilance pour les organisations syndicales est donc de mise,
d’autant que la loi permet aux directions de démarrer la négociation avant
l’ouverture de l’information-consultation.
Un autre enjeu notable des nouvelles règles dans le cadre de
restructurations est que l’information-consultation du CHSCT est « enfermée »
dans les délais de celle du CE. Ce qui n’est pas sans poser problème compte
tenu, par exemple, du silence des textes sur le démarrage de
l’information-consultation du CHSCT. « Il est nécessaire d’intervenir le plus
tôt possible, d’aider les instances à dialoguer entre elles en amont, et
d’anticiper au maximum » souligne Olivier Guillou. Enfin, l’un des objectifs de
la loi était de réduire la judiciarisation, qui pouvait concerner jusqu’à 30%
des procédures contestées au Tribunal de Grande Instance. Il semble atteint. Le
nombre de recours au niveau national est tombé sous la barre des 10% (5% en cas
d’accord majoritaire). Et, point d’importance, ceux-ci ont désormais lieu devant
le Tribunal administratif, qui, pas plus que la Direccte, ne regarde la validité
du motif économique. Restent donc les Prud’hommes, comme ultime recours, pour
contester individuellement ou collectivement le motif économique.